La ville de Bertoua a accueilli le 15 juin dernier 2023, « les cafés du CNC » sous le thème : « la lutte contre le discours de haine dans les médias camerounais ». Un concept initié par le régulateur de la communication sociale au Cameroun pour établir un cadre de concertation à caractère pédagogique avec les professionnels des médias. Les travaux présidés par le Membre du Conseil National de la Communication, Michel MOINDJEL, qui ont connu la participation d’une vingtaine de journalistes ont été animés par le sociologue Louis MEGOUYA et le journaliste émérite André NGUIMVOUM.
Trois grands temps forts ont meublé les travaux sous la modération de M. MOINDJEL : un premier exposé sur « le tribalisme : ses manifestations et ses conséquences » animé par le sociologue Dr Louis MEGOUYA ; un deuxième exposé sur « la préparation et la conduite des débats en radiodiffusion et télévision » présenté par M. André NGUIMVOUM, journaliste, et enfin une phase d’échanges avec les journalistes. Aux termes des civilités d’usage, le Membre du CNC, M. MOINDJEL en maître des cérémonies a rappelé le contexte social qui justifie le thème de la rencontre, notamment la prolifération des discours haineux dans les médias camerounais, plus précisément dans les débats audiovisuels où les panélistes profèrent régulièrement des messages qui portent atteinte à la cohésion sociale et à l’unité du pays. Les thématiques des exposés quant à elles sont motivées par la montée du tribalisme dans les médias classiques et numériques qui met à mal le vivre-ensemble et suscite les violences.
Le sociologue a planté le décor en abordant son exposé par une étude anthropologique du Cameroun. Il a soutenu à cet effet que, le Cameroun avec ses 25,5 millions d’habitants, plus de deux-cents ethnies et langues nationales, quatre aires géographiques, présente une grosse diversité qui peut être une source de tensions. Conscients de ce risque, les politiques ont tout mis en œuvre pour inculquer dans les mentalités des citoyens, la notion d’unité, d’appartenance à une seule Nation. Et pour en venir au tribalisme qui est au cœur des préoccupations, il a expliqué que dans sa définition originelle, ce concept n’est pas dangereux mais devient pernicieux quand il se rapproche du communautarisme c’est-à-dire lorsqu’un individu arrive à privilégier les membres de son ethnie en rejetant les autres ou lorsqu’un groupe décide de faire valoir ses différences par rapport aux autres qui les obligent à les rejeter. Mais au fil des démonstrations enrichies de plusieurs exemples, le sociologue a pu établir que malgré cette diversité culturelle, il existe de nombreux liens ancestraux entre les tribus au Cameroun qui sont pourtant géographiquement éloignées. C’est pourquoi, il a exhorté les journalistes, à mettre plutôt en exergue ce qui unit les Camerounais pour faire face à cette montée du repli identitaire et du tribalisme. Pour lui, malheureusement les gens préfèrent s’attarder sur ce qui les différencie alors qu’il y a de nombreux éléments qui les unit.
A la suite de cet exposé, le journaliste André NGUIMVOUM a pris la parole après introduction par le modérateur. Sa présentation visait à démontrer comment les journalistes peuvent rendre leurs plateaux de débats plus professionnels, quand on sait que ceux-ci sont devenus les lieux par excellence d’expression des discours haineux. Ainsi, pour lui, l’animation d’un débat est un genre journalistique très complexe qui nécessite une minutie. Ceci passe par le choix du sujet, le casting des intervenants et l’équilibre du panel.
Au sujet du choix du sujet, le journaliste a recommandé à ses confrères de privilégier les sujets qui vont dans le sens de la promotion de l’intégration nationale comme précédemment suggéré par le sociologue. En outre, il leur a demandé de bien s’informer sur la thématique choisie et d’en faire au préalable un découpage efficace.
Sur le casting des intervenants, le journaliste se doit non seulement de posséder un carnet bien fourni, mais aussi de bien définir le profil de ses invités en optant pour ceux qui ont les aptitudes pour éclairer le public sur le sujet. Dès que le choix des intervenants est opéré, il faut leur communiquer une charte de bonne conduite avant le passage à l’antenne.
L’animation du débat doit répondre aux critères d’équilibre dans l’attribution du temps de parole. Le journaliste doit donc éviter les débordements de parole et procéder à des nécessaires recadrages. Concernant les programmes interactifs, il faut au préalable communiquer les questions à la production en vue d’éliminer toutes celles qui sont susceptibles de porter atteinte à la sensibilité du public.
Dans la séquence des échanges, un certain nombre de préoccupations ont été soulevées. Parmi elles, la démarcation entre tribalité et tribalisme, la question de la décentralisation et la responsabilité de l’Etat dans la prolifération du tribalisme à travers son laxisme. Des préoccupations auxquelles les exposants ont apporté un certain nombre d’éclairages.
Et c’est sur une note de satisfaction générale que les participants se sont séparés avec l’engagement des professionnels des médias à promouvoir l’intégration nationale dans leurs productions afin de barrer définitivement la voie au discours de haine dans les médias.